lundi 16 juin 2008

grimpette vers le grand col rouge

transporteur qui va faire ses courses en Chine

Nous grimpons, le mot n’est pas trop fort, le « Ikh Ulaan Davaa », le grand col rouge à 2987 m, et on peut dire que la pente sous le col qui fait 600m de dénivelé sur 5 km linéaires, c’est dur, dur. Si les comptes sont justes : 12% de moyenne , le tout entre 2400 et 3000 m, ça fatigue. On souffle, on pousse, on s’essouffle, par fragments de 150 m dans les derniers lacets tellement c’est raide, merci nos petits poumons, et sans dopage, à part le fromage ,(c'est pour la rime).
Notre supporter dans les derniers 200 m
Nous sommes aidés symboliquement par un petit berger dans le dernier raidillon, et après l’effort, nous mangeons une boîte de pâté, un peu de gras bien calorique pour récupérer, merci « leader price » made in poland, à l’abri d’un grand Ovöö . Les bonnes lectures que j'ai eu depuis semblent indiquer que ce n'est pas la piste la plus fréquentée de part et d'autre de l'Altaï dans sa partie est, mais que c'est la plus spectaculaire. L'autre piste emprunte une vallée parallèle à une vingtaine de kilomètres plus à l'est, le long de la rivière Bodonch, par où doit passer la future route transasiatique qui reliera la Chine à la Russie, entre autres.
2965 m à 12 % sur 5 km ça palpite, ouf
De mémoire de Martine, c’est probablement le truc le plus dur physiquement qu’on n’ait jamais fait, toutes conditions confondues, et je n’ai pas de contre exemple .
Mais après, comme disent certains, quelle récompense : la vue panoramique sud et nord pour ce col ci. Nous avons le sentiment d’un jeu quotidien de poker-menteur qu’il faut gagner, avec cette foutue montagne qui nous fait des offres , et nous tend des pièges, à nous d’apprécier…
Nous sommes joueurs et juges à la fois, et la réussite se mesure à l’humeur du soir, à l’entrain pour répéter les gestes de base quelques heures par ci et par là: montage, démontage, pédalage, bricolages divers, dérisoires et indispensables, et aussi à l’appétit pour absorber les mêmes nouilles que la veille, à boire la même eau tiédasse, plus ou moins colorée par on sait trop quoi .
Tous ces gestes, ces répétitions sont un peu fastidieuses - mais nécessaires, à côté de la satisfaction d’avoir « réussi , tenu le pari », ou toute formule équivalente. Il y a quelque chose de rudimentaire, de naïf dans cette recherche d’un plaisir rude, animal, comme les yacks qui galopent, les chevaux qui se roulent dans la poussière…et un sentiment de plénitude, de calme qui dépasse tout le reste .
Quelques kilomètres en contrebas au nord du « Ikh Ulaa Davaa », nous avons notre seule vraie grosse hésitation de tout le voyage
- prendre la piste, la plus fréquentée, à l’est vers la ville de Must, joignable en une grosse journée, mais cette option rallonge ensuite de 100 km le trajet vers Khovd, par une piste à plat, pas forcément amusante, probablement très défoncée comme toutes les pistes plates et rapides
- ou la piste à l’ouest vers Mönkh Khaïrkhan, plus courte sur la carte, mais plus montagneuse, avec un secteur de gorges de 20 km sur laquelle nous n'avons bien entendu aucune information, évidemment c'est plus amusant comme ça.
Quand le doute s’installe, il faut éclaircir les idées, bien mélanger tout ça, et trancher dans le vif : dénivelés, réserves, eau, climat, isolement, des éléments qu’il faut mettre en bon ordre, pour prendre la bonne option . Nous eûmes deux heures difficiles, tétanisés entre mon mutisme inquiet, la fatigue, les doutes sur nos capacités physiques, la peur des chiens, le temps menaçant. Dans ces moments de choix difficile, tout devient préoccupant, et plus on tarde à décider , plus c’est dur.
Compte tenu d’un dénivelé équivalent d’un côté comme de l’autre (cols à 3000 ), autant qu’il soit appréciable sur la carte, et sans possibilité d’avoir d’autre info ( tout est toujours possible partout et les mongols n’aiment pas dire non ), nous nous décidons pour l’option courte, vers l’ouest, à la condition de se ravitailler chez les bergers. Ce qui fut dit fut fait, à la dernière yourte du vallon. Le maître du lieu interrompt la révision de sa moto, m'emmène chez lui, et sa femme me vend 1 kilo de fromage pour 2000 tögrög, soit 1euro 200 , thé et gâteaux secs en sus. Ne reste plus qu'à trouver les trous d’eau dans le lit de la rivière, pas vraiment fournie malgré la saison.
Nous campons dans un petit vallon sous un ciel plombé, dans une ambiance presque lugubre, mais il ne pleut pas, vivement demain . Je m’épanche dans le poste pendant que Martine soigne les énormes crevasses qui me minent les talons depuis quelques jours, et me font marcher en faisant des pointes, ça fait un peu ridicule, mais ça fait surtout mal. Grâce à ses soins efficaces, ça va beaucoup mieux, merci.

Aucun commentaire: